Chagrin de mer
Je maudis le jour où je l'ai vu prendre la mer. Je le sentais, je le lui ai dit mais il ne m'a pas écouté. Il est parti en poussant un soupir exaspéré en voyant les larmes qui perlaient
au coins de mes
yeux. Il ne s'est pas retourné.
J'ai contemplé longtemps l'horizon après même que le petit point de son bateau ait disparu. J'ai essuyé mes
yeux. Je me suis retournée et j'ai remonté la jetée, lentement, en laissant les embruns me fouetter le visage. J'aime pourtant pas leur odeur salée. Mais ils viennent du large.
C'ets comme s'ils me rapportaient un peu de lui.
Une fois arrivée à la maison, je me suis fait plaisir, j'ai pris un bain chaud, je me suis occupée de moi. Sans doute pour oublier. Oublier qu'il est parti, sans doute aussi pour oublier mes craintes. Mais pourquoi m'inquiétais-je ? Après-tout, il
partait seulement deux jours et la météo marine n'annonçait que du beau temps et une mer calme. De plus, ce n'était pas la première fois qu'il
partait au large.
a moitié rassurée, je suis allée me coucher. Je me suis blottie sous la couette comme une petite fille et je me suis endormie sans même m'en rendre compte. C'est un
rayon de soleil filtrant à travers les rideaux entrouverts qui m'a réveillé en chatouillant mes paupières de ses ailes dorées
(^^). J'ai ouvert les yeux, doucement, une main levée devant le visage. Je me suis étirée paresseusement et j'ai fini par me lever. J'ai tiré les rideaux et regardé par la fenêtre. Mes craintes de la
veile se sont envolées d'un coup. Le paysage était magnifique. Le soleil, déjà haut dans le ciel, dardait ses chauds
rayons sur la mer, faisant miroiter sa surface ondulée. J'ai décidé d'aller me promener sur la plage. Je n'ai pas pris la peine de manger, je descendrai plus tard à la boulangerie du port pour m'acheter un croissant ou deux. Je suis sortie de la maison, j'ai fermé la porte à clef et j'ai commencé à marcher doucement, en profitant de la vue qui s'offrait à moi.
J'ai étouffé un
baîllement. Une nuit blanche n'est jamais de tout repos, même passée au large à contempler les étoiles se reflétant sur une mer d'huile.
a présent, il fait bien jour et le beau temps prévu par la météo est au rendez-vous. J'ai avalé une tasse de café et je me suis assis aux commandes du bateau.
J'étais perdu dans la contemplation rêveuse de celles-ci quand un courant d'air m'a fait levé la tête. A travers la vitre de la cabine, j'ai vu une masse grise qui semblait se former au loin. Haussant les épaules, je suis sorti dehors pour relever les casiers que j'avais posé la veille au soir.
Malheureusement pour moi, aucun crustacé ne s'y était pris. Je n'ai pas eu plus de
succés avec la nasse que j'avais jeté à l'arrière du bateau. Dommage. Il n'y aurait ni crabe ni maquereau à manger dans les prochains jours.
Après avoir rangé le matériel dans la cale, je suis remonté sur le pont. En regardant à l'horizon, j'ai constaté que la masse grise virait au noir et se rapprochait. Des bourrasques commençaient à me parvenir. J'ai froncé les sourcils. Une tempête se préparait-elle ? Etrange... La météo marine n'en avait pourtant pas annoncé....
Ne voulant pas prendre de risques inutiles, je suis retourné aux commandes et j'ai fait demi-tour, direction, le port. Le bateau s'est doucement dirigé
ves la côte. Les coups de vent étaient de plus en plus forts. Le ciel s'obscurcissait à vue d'oeil.
Des vagues se formaient, gonflaient et venaient se briser sur la coque du navire, le faisant tanguer
(généralement on dit qu'une vague se creuse non ??). Doucement d'abord,
uis de plus en plus fort.
J'accélérais encore, poussant bientôt les commandes à leur maximum.
A présent, des éclairs zébraient un ciel d'encre de leurs langues de feux. Le tonnerre grondait, très proche. L'angoisse me gagnait. Le vent sifflait par rafales, oppressant mes poumons. Le bateau gîtait. Dangereusement. Trop
dangeureusement. Mais j'étais trop concentré sur la côte qui se dessinait au loin, telle une promesse, pour m'en soucier. Je n'avais même pas peur. Seul m'importait de rentrer chez moi. En vie.
L'océan déchaînait sa
fureur. Les eaux étaient
furies, le ciel, un infernal feu d'artifice. Et soudain, j'ai perdu la notion de ce qui m'entourait. Je ne voyait plus que la colonne qui se dressait devant moi, colosse impitoyable, mi-eaux, mi-vents.
A partir de ce moment, je n'avais déjà plus aucune chance. En une fraction de
secone, elle était sur le bateau. La cabine a été arrachée. Je me suis senti emporté par un tourbillon liquide. Je n'ai pas eu le temps de retenir mon souffle. J'ai avalé de l'eau. Je l'ai crachée, en ai ravalé d'autre. Je suffoquais. Je fermais les yeux. J'étais bringuebalé comme une vulgaire brindille.
J'ai perdu connaissance au moment où je n'ai plus senti d'eau autour de moi. Au moment où, alors que la tempête était plus violente que jamais, la tornade m'emportait haut dans les nuages striés d'éclairs. Le temps d'y arriver, dans les bras du titan, j'étais déjà mort, étouffé par les eaux et les vents, écorché vif par les débris de la cabine.
(perdre connaissance n'est pas forcément mourir, or quand il perd connaissance il n'y a plus d'eau... ^^)Après quelques temps de marche
(bof), je suis arrivée au port. En passant par la boulangerie, je me suis achetée un pain au chocolat. Ma viennoiserie à la main, je me suis dirigée vers la plage. L'eau miroitante était apaisante, les rayons du soleil chauds et bienfaisants. Mais quelque clochait. J'
ai étais prises par une sorte de malaise inexplicable. A l'horizon, au dessus des flots paisibles, le ciel n'était pas comme il aurait du l'être par un aussi beau temps. Il n'était pas bleu. Non. Il était gris. D'un gris profond, sournois, inquiétant. Je ne pouvais décrocher mon regard de ces sombres cieux
(...). Je les ai vu s'assombrirent, passer d'un gris presque terne à un noir intense, parsemé de furtives tâches de lumière.
Tout à coup, un formidable coup de tonnerre a retentit. Mon pain au chocolat m'a échappé des mains. J'ai glissé au sol,
suffoquante, haletante. Puis soudain, le ciel est redevenu bleu.
(un peu rapide ^^ notion différente su terre que sur mer...) J'ai peu-à-peu retrouvé mon souffle. Tout était allé si vite... Et pourtant, le malaise était toujours là, vicieux,
étraignant mon coeur d'une chape de peur irrépressible. Je me suis recroquevillée sur moi-même et je me suis mise à sangloter en silence, trop secouée pour me préoccuper des quelques regards qui convergeaient vers moi.
Je ne sais pas combien de temps je suis restée ainsi prostrée. Mais j'ai fini par me relever. Je ne savais pas ce qui s'était passé ni pourquoi j'avais eu cette réaction déconcertante. Je suis rentrée chez moi, hébétée, éplorée, ignorante du monde alentour. Sans pouvoir l'expliquer, un mauvais pressentiment m'étreignait.
(j'aurais plus vu le mauvais pressentiment "de retour"...)Deux jours ont passé. Il n'est pas revenu. Au bout du
deuxième jour, je ne pleurais plus. Toutes les larmes de mon corps s'étant déjà écoulées en torrent le
jour d'avant. J'avais l'intime conviction qu'il ne reviendrait depuis mon instant de faiblesse sur les quais.
C'est le journal télévisé qui, au soir du deuxième jour, a malheureusement donné raison à mon intuition. Les gardes-côtes ont retrouvé l'épave de son bateau. La cabine arrachée, la coque éventrée, le pont effondré. Mais ils n'ont pas retrouvé de corps.La dépouille de mon défunt mari s'était volatilisée. Ils ont tout mis en oeuvre pour la retrouver, mais les recherches n'ont rien donnée.
Impuissante, j'ai commencé les préparatifs d'un dernier hommage à mon époux disparu.
Quelques jours plus tard, une âme en peine assistait à la mise en terre d'un cercueil vide.
FIN