Partir...

Partir


Partir, partir loin, très loin. J’en rêve depuis si longtemps. Où aller ? Je ne le savais pas avant, mais maintenant, ma destination est ancrée dans mon esprit. Pourquoi je pars ? Bonne question. Je n’ai jamais aimé cet endroit. Ces quartiers de vieux riches, ces gens qui ne pensent qu’à leur nombril, ce maire qui est là depuis longtemps mais ne fais rien de bien, ces paysages désespérants de nullité, cet air empoisonné de la vanité des habitants qui le respirent. Tout ça, bientôt, ce sera fini pour moi. Je n’ai jamais aimé cet endroit, mais j’y suis pourtant restée de si longues années. Quand mes parents me proposaient de déménager, je m’y opposais farouchement. Pourquoi ? A vrai dire, je ne le comprends pas bien moi-même. Je ne voulais pas changer. Je ne voulais pas bouger. J’avais peur de l’inconnu. Et j’en ai toujours peur. Mais où je vais, ce n’est pas un territoire inconnu. Je n’y suis allée qu’une fois, mais pourtant, j’aime cette région de tout mon cœur. Je veux croire d’y être née, là bas, là où les gens sont gentils les uns avec les autres, là où les gens sont tous à égalité, où il n’y a quasiment pas de disputes, justes des débats constructifs, là où les gens se préoccupent des autres, et pas seulement d’eux. J’aurai tellement aimée y être née ! Pourquoi n’y suis-je jamais allée auparavant ? Pourquoi a-t-il fallu que je naisse dans cette ville pourrie, cette ville de vieux riches avares et prétentieux, au lieu de ce havre de paix ? Je vais faire semblant d’y être toujours été, et de n’avoir jamais connu cette ville que je haïs. Difficile, car il faudrait alors croire que je sois orpheline. Mes parents ne veulent pas quitter cet endroit à l’air empoisonné. J’ai pourtant essayé de les convaincre, rien à faire, ils resteront là-bas. La première fois que je leur en ai parlé, ils m'ont regardé avec un air bizarre... J’avais l’impression qu’ils ne comprenaient pas ce que je disais. Etrange, puisque tout était réel. Je me rappelle ma chambre là-bas, à l’étage aussi. Elle est plus grande, plus belle. Les murs sont bleu pâle au lieu de jaune vif. Mon lit est un deux places, pas comme mon misérable une place de chez moi. Notre jardin est grand et beau. Il y a plein de fleurs, et d’oiseaux, et de papillons. Je me rappelle très bien la maison de là-bas. Je me rappelle aussi les gens. Ils me regardaient avec un air un peu bizarre, et une lueur de bienveillance dans les yeux. Je suppose que c’est bien. Je me rappelle de tout, sauf des voyages aller et retour. Mais ce n’est pas grave. Qui voudrait se souvenir toute sa vie de quelques heures passées à ronfler dans la voiture familiale ? Je voulais y retourner aux prochaines vacances, mes parents n’ont pas voulu. Non, ils n’ont pas compris. J’ai des fois l’impression d’avoir rêvé, mais je sais que ce n’est pas le cas. C’était si réel !
Ce n’est pas grave. Je vais y habiter, maintenant ! Je suis si pressée ! Mes affaires sont prêtes, il ne me manque plus que mon moyen de transport. J’y ai beaucoup réfléchi, et je crois que je vais y aller… à cheval. En souvenir des quêtes épiques des chevaliers du Moyen Age. Je suis moi-même en quête de mon havre de paix. Mes parents sont plus que réticents à cette idée. Mais je tiens bon, c’est comme ça que je veux y aller ! Il arrive ! Je le vois, par la fenêtre de ma chambre. Il soulève beaucoup de poussière, et va très vite. Mon beau cheval blanc. J’attrape mon sac et descends les escaliers du plus vite que je peux. C’est l’heure ! Mes parents sont devant la porte, une grimace de douleur et de tristesse sur le visage. Je suis triste moi aussi de les quitter, mais surtout empressée d’arriver. La porte s’ouvre. Mon père va à la rencontre des marchands qui m’amènent mon cheval tout blanc. Ma mère me serre très fort dans ses bras, et m’embrasse les cheveux. Des larmes tombent sur mon crâne. Elle est donc si triste que ça ?
« -Ne t’inquiète pas, Maman, je reviendrai vous voir une fois par mois ! » Elle pleure de plus belle. Ces paroles étaient censées la rassurer, pas la faire pleurer plus ! Papa s’approche de moi. Maman me lâche comme à regret. Lui aussi me prend dans ses bras, chose très improbable car il n’est pas adepte des marques d’affection, et encore moins devant d’autres gens ! Et il m’a aussi embrassé, sur la joue, cette fois. Encore plus rare… Et quand il m’a lâché, des larmes coulaient sur son visage. Je n’avais jamais vu mon père pleurer auparavant.
Je me suis avancée d’un pas vers les marchands, qui, comme mon cheval, étaient tout en blanc. Je crois qu’ils ne vendent que des chevaux blancs, c’est pour ça qu’eux-mêmes le sont. Un des hommes m’a prise par l’épaule, et je suis montée sur mon cheval. Et puis on est parti, en direction de mon havre de paix.



***


« -Tu crois vraiment qu’elle pense qu’une telle région existe ? Ou alors elle sait qu’elle va à l’hôpital psychiatrique ? »